Les gilets jaunes pour les nuls

Pourquoi la France se retrouve une nouvelle fois au centre de la scène politique internationale. Quels sont les tenants et les aboutissants de cette colère qui s’étend désormais à l’Europe et au-delà.

Pourquoi le gilet jaune ?

« Le gilet jaune » appelé également « gilet de sécurité » est devenu symbolique, car chaque français possédant un véhicule, doit obligatoirement détenir un gilet fluo de protection.

En cas d’accident ou de panne, le gilet permet à la personne d’être visible sur le bord de la route en tout temps. La gronde sociale des gilets jaunes, trouve son point de départ, dans l’augmentation des taxes sur le carburant, d’où le choix d’un objet commun à tous les usagers de la route, visible, pour afficher distinctement ses positions.

Les revendications se sont alors multipliées, pour dénoncer de manière générale, une augmentation excessive du coût de la vie et l’impossibilité de suivre la cadence fiscale imposée. «Marre de payer des taxes» martèle Leslie, jeune manifestante gilet jaune. L’utilisation du gilet jaune s’est donc étendue à toutes formes de protestations n’en faisant plus qu’une seule. « Le slogan qu’on entend qui fait du bien, qu’on soit de gauche ou de droite, c’est tous ensemble » confie Martine manifestante gilet jaune.

le gilet jaune personnalisé

Caractère exceptionnel du mouvement

Ce qui donne autant d’ampleur et de résonance à ce mouvement, c’est le fait qu’il se soit formé spontanément sans aucune intervention politique, sans l’aval des syndicats français, qui font habituellement figures de proue des mouvements sociaux en France, ils sont organisateurs et meneurs des luttes.
Pour les gilets jaunes, aucun leader ne s’est démarqué, aucun préavis de grève officiel ne s’est fait connaître. 

Ce soulèvement collectif, soudain, constitué de différentes actions menées (blocage des routes, des centres d’impôt, des zones commerciales…) effectué par des gens issus de toutes les classes sociales et de tous les âges, est spectaculaire, dans le sens où les citoyens sans aucun lien préalable se sont donné le mot d’ordre du rassemblement. Ensemble pour dire stop. 
«L’ensemble du travail de nos dirigeants est contraire aux intérêts de la population» clame Michel, 73 ans, gilet jaune. On entend dans toutes les bouches «que le gouvernement  cède ou parte, et s’il part, qu’il cède avant ».
Les réseaux sociaux ont été un support efficace pour transmettre et partager les différentes indignations et revendications à l’échelle nationale.

Ce qui est inquiétant pour le gouvernement d’Emmanuel Macron,c’est qu’il n’y a aucune possibilité d’identifier un meneur (il n’y en a pas,ou il y en a trop) à qui s’adresser directement, pour maintenir une communication essentielle à la gestion de l’évolution du conflit.

Contexte social

L’augmentation de la taxe sur le carburant est une chose, ( la France est dans les 10 premiers pays du monde où le carburant est le plus cher), mais l’une des raisons majeures du malaise généralisé, c’est la perte significative du pouvoir d’achat.

Avec les taux de croissance faibles qu’a connu la France ces dernières années, le revenu des ménages moyens, amputé déjà largement par des factures mensuelles qui augmentent (électricité, complémentaire santé), stagne, voire baisse.
Du même coup, ces ménages, qui se sont endettés pour une voiture,une maison etc. et qui travaillent souvent durement, ont le sentiment que leurs efforts ne paient plus.

Cette situation devient intolérable pour eux, quand s’y ajoute le sentiment d’être ignoré, voire méprisé par le gouvernement. Les déclarations du chef de l’Etat à propos des «Gaulois réfractaires», des «fainéants»,« des gens qui ne sont rien » ont manifestement blessé et entretenu le feu sous-jacent. Tout ceci a fait bouillir la marmite jusqu’à l’explosion.

Le sentiment d’une ségrégation sociale, a été appuyé par le fait que le président exonère les plus riches de l’ISF (l’impôt sur la fortune) Impôt obligatoire par le passé, pour les personnes et les entreprises ayant un patrimoine supérieur à 1 300 000 euros.

Cette suppression d’impôt, engendre une perte nette de 80 milliards d’euros, qui ne sont pas réinjectés dans le système économique français.

Dans le même temps, les taxes s’abattent sur les ménages déjà étranglés financièrement, sur les petites entreprises aussi, qui ne peuvent plus embaucher, qui ne peuvent parfois même plus continuer leur activité tant elles sont taxées. Les retraités à faible revenu se sentent également trahis, puisqu’ils sont en situation économique précaire et menacés d’être ponctionnés davantage.

Le président a chamboulé tous les acquis sociaux durement obtenus à travers l’histoire et notamment le système de santé collectif et gratuit (Sécurité Sociale) mis à mal, qui rembourse de moins en moins les frais médicaux. L’évasion fiscale accordée aux plus riches, c’est de l’argent en moins investi dans les hôpitaux publics, dans les écoles et dans le service public en général.

S’ajoute à tout ceci, la désindustrialisation avec les délocalisations successives dans des pays à moindre coup de main d’œuvre, qui fait perdre de nombreux emplois au pays, et ce qui a fatalement provoqué une pauvreté accrue des ménages et une explosion du chômage. Les gens à faibles revenus sont aussi victimes de gentrification (augmentation significative des loyers dans les grands centres) et paradoxalement les campagnes se désertifient économiquement et les commerces se meurent.
« J’habite un village du Périgord qui ne fait pas exception à la désertification, à l’impossibilité pour les jeunes de trouver du travail, à l’obligation de prendre la voiture pour une baguette de pain » s’indigne un Général de l’armée française.  L’utilisation de la voiture est donc un moyen de survie.   

C’est une série de mesures rapprochées, jugées injustes, inégalitaires et illégitimes qui ont précipité le gouvernement Macron dans la tourmente.

Principales Revendications

Les revendications des gilets jaunes sont nombreuses, mais les principales sont les suivantes :

  • Augmentation du salaire minimum de 1150 à 1300 euros net
  • Favoriser le maintien des services de proximité dans les zones périurbaines (boulangerie, pharmacie…)
  • Donner les moyens aux petits commerces de subsister en stoppant la construction massive de zones commerciales.
  • Indexer les salaires sur l’inflation du coup de la vie
  • Retrait de la taxe carbone (cette mesure a été accordée, après les premières manifestations, l’augmentation à été suspendue pour l’année 2019).
  • Protéger l’industrie française et les emplois contre les délocalisations
  • Interdiction de vendre les biens appartenant à la France (barrage, aéroport).
  • Entrée du référendum populaire dans la constitution de la V eme république.
  • Retour de l’Impôt sur la Fortune pour les plus aisés
  • Augmentation des tranches d’imposition pour les ménages afin d’avoir un impôt plus égalitaire
  • Augmentation générale des pensions de retraite, continuer le système de retraites solidaires, prélevées dans les cotisations sociales des travailleurs
  • Que les causes de migration forcée soient entendues, que les demandeurs d’asile soient bien traités (logement, travail,nourriture), que ceux qui ne sont pas admis soient raccompagnés dans leur pays d’origine.
  • Limitation du prix des loyers, plus de loyers modérés pour les étudiants, les travailleurs précaires.
  • Favoriser le transport par voies ferrées pour éviter la pollution abyssale des cargos marchands.
  • Renationaliser les entreprises (Poste, EDF) arrêter les privatisations, la baisse de service et les augmentations qui vont avec.
  • Mettre en place une vraie politique verte avec la fabrication du moteur à hydrogène et un plan d’isolation des logements. De l’écologie, en faisant économiser de l’argent aux ménages et en créant de l’emploi.

Emmanuel Macron est intervenu récemment (après 1 mois de silence) pour accorder quelques mesures jugées insatisfaisantes. Dont l’augmentation du salaire minimum de 100 euros.
Ce qui est pris comme une provocation, puisque cette somme correspond à l’augmentation annuelle obligatoire pour 4 ans, donc jusqu’à la fin du mandat du président.

De plus, l’augmentation ne sera pas payée par l’employeur, donc par une imposition supplémentaire, pour les ménages moyens…

Personne ne sait actuellement comment le conflit va évoluer, affaire à suivre…